Après s’être intéressée à différents phénomènes sociologiques où la mise en scène du corps féminin à l’ère digitale est à l’épreuve (cam girls, love dolls, influenceuses), Marilou Poncin poursuit sa recherche autour de l’évolution de nos fantasmes à l’aune de nos outils technologiques. L’installation Liquid Love Is Full of Ghosts s’inspire du design spéculatif: à travers la fiction, l’artiste imagine des objets technologiques plausibles (mais contrairement aux love dolls non anthropomorphes) avec lesquels l’individu peut nouer une relation affective et sensorielle.

Anticipant à peine un futur proche, l’installation se construit autour de trois portraits où chacun des personnages, englué dans sa solitude, s’apprête à vivre un moment quasi charnel avec un objet technologique dernier cri (une berline high tech parfaitement briquée, une combinaison sensorielle en tissu technique ou un écran éminemment tactile). La peau tient, en effet, un rôle central. Certes, les cellules qui la composent ont cédé la place à des peaux de substitution qui font corps avec la chair: peau gluante prête à se déchirer, peau vibratile prête à palper, peau contre peau. La tactilité est omniprésente à travers ces contacts par proxy où fluides et flux se mêlent.

Le titre fait d’ailleurs allusion à l’ouvrage de Zygmunt Bauman intitulé Liquid Love. Le sociologue y analyse les changements qui affectent l’individu dans une société où les liens entre les êtres se sont dissous à force de subir une peur constante d’être rejetés. Or, les objets « palliatifs » mis en scène dans l’installation viennent combler une angoisse de solitude tout autant qu’un manque.

Dans cet univers assez sombre, les lumières bleutées des objets connectés sont le signal commun de cette relation physique en chair et en synthétique.