L’installation photographique The Sun Is Broken met en crise la représentation autant que les outils qui servent à la fabriquer. Une violence sourde fait irruption dans la création de ces images abstraites autant qu’une perte de confiance dans la notion d’infini : qu’il s’agisse de la captation d’une action intrusive avec un smartphone (Cracks) ou de la fabrication d’un paysage stellaire (et plus largement d’une imagerie scientifique) à partir d’une feuille de papier de verre (And The Stars Look Very Different Today).

Cracks naît d’une obstruction : la paume d’une main vient bloquer la caméra d’un téléphone portable qui enregistre l’action.  Le rouge vif présent dans l’image n’est autre que la circulation sanguine. Les images abstraites qui en résultent entretiennent une parenté avec les lacérations de Lucio Fontana (Concepts Spatiaux). Au dos de ses toiles incisées, le chantre du Spatialisme inscrivait le mot attesa (attente). L’incision ouvrait un espace infini. C’est désormais à la vitre bien finie de l’écran que se heurte cette brèche incandescente. Dans ces deux cas, l’image naît d’un acte de violence mais le geste de libération historique chez Fontana s’est transformé en un acte d’obstruction.

Le mécanisme d’obstruction est également à l’œuvre dans And The Stars Look Very Different Today. Le paysage spatial infini qui s’offre à nous n’est qu’un leurre puisque l’œuvre résulte de la superposition de deux photographies de papier de verre d’épaisseur de grain différents. L’image imite l’infini et interroge ainsi la fabrique de l’imagerie scientifique, nos attentes face à celle-ci, et plus largement l’usage de l’image comme forme de propagande. Si le saut dans le vide est tentant, le risque est de se heurter à une surface plate mais non moins abrasive.